Analyse économique

Blackout : La France est-elle la prochaine à tomber ?

Le 28 avril 2025, l’Espagne a connu un blackout total : 55 millions de personnes privées d’électricité, du Portugal au sud de la France. Panne technique ou faillite politique ? On décrypte les causes, les erreurs à ne pas reproduire en France… et pourquoi ce drame révèle l’impasse d’une transition énergétique mal pensée.

Le 28 avril 2025, l’Espagne a connu ce que l’on appelle dans le jargon énergétique un "blackout total".

En l’espace de quelques secondes, plus de 15 gigawatts de production électrique ont disparu du réseau, entraînant la coupure du courant qui a affecté 78 % de la population de la péninsule ibérique, soit environ 55 millions de personnes, allant du sud de la France jusqu’au Portugal.

Un effondrement inédit, brutal, qui a plongé la péninsule dans l’obscurité pendant plus de 12 heures.

Tandis qu’à Madrid, les bureaux se sont vidés, les ascenseurs bloqués, à Lisbonne, les tramways emblématiques sont restés figés, pendant qu’à Séville, les agriculteurs ont vu leurs systèmes d’irrigation s’arrêter, menaçant les récoltes. Même Melilla, isolée en Afrique du Nord, a été coupée du monde, avec des réseaux mobiles en panne. 

Mais derrière ce court-circuit d’apparence technique, se cache une série de choix politiques et structurels qui posent une question essentielle pour la France : ce qui est arrivé à l’Espagne, pourrait-il se produire chez nous ?

Avec la montée des énergies renouvelables, la centralisation des réseaux, et les pressions politiques, pourrions-nous connaître un scénario similaire ? 

Quelles leçons tirer de l’Espagne ? 

Et surtout, comment éviter que les lumières s’éteignent à Paris, Lyon, ou Marseille ?

Réseau Électrique : Le Grand Black Out

Avant même de commencer, il est nécessaire de comprendre le fonctionnement du réseau électrique !

Pour se faire, imaginez une chaîne de restaurants à travers un pays, où chaque restaurant représente une région électrique.

Les cuisiniers sont les centrales électriques (nucléaires, solaires, éoliennes, à gaz) qui produisent l’électricité, les "plats" servis aux clients. 

Les clients, ce sont les consommateurs : vos foyers, les usines, les transports. 

Les serveurs, eux, incarnent le réseau électrique, géré par des opérateurs comme RTE en France ou Red Eléctrica en Espagne, qui transportent les plats de la cuisine aux tables.

Le défi ? 

S’assurer que chaque restaurant sert exactement le nombre de plats demandés par les clients, à chaque instant. 

Si les cuisiniers préparent trop de plats (surproduction d’électricité), les tables débordent, les plats s’abîment, et le service s’effondre. 

Si, au contraire, ils ne cuisinent pas assez (sous-production), les clients affamés quittent le restaurant, et c’est la faillite. 

En termes électriques, cet équilibre se mesure par la fréquence du réseau, qui doit rester à 50 Hz en Europe.

Trop de plats (surproduction) : la fréquence augmente, les équipements surchauffent, et le réseau risque un collapse.

Pas assez de plats (sous-production) : la fréquence chute, les appareils s’arrêtent, et c’est le blackout.

Quand la fréquence s’éloigne trop des 50 Hz, le système "ferme les cuisines" pour protéger le réseau, provoquant un blackout, comme en Espagne le 28 avril.

Comment maintenir cet équilibre ?

Maintenir cet équilibre nécessite trois éléments clés :

1° Premièrement, une demande prévisible : La consommation varie, mais elle suit des schémas. En France, on consomme plus le matin et le soir. Les opérateurs comme RTE utilisent des données historiques et des algorithmes pour anticiper ces variations.

2° Deuxièmement, des cuisiniers flexibles : Certaines centrales, comme les centrales à gaz ou hydroélectriques, sont comme des chefs capables d’accélérer ou de ralentir la cuisson.

Les centrales nucléaires, en revanche, produisent un flux constant, comme un cuisinier spécialisé dans un plat unique. 

Les renouvelables (solaire, éolien) sont imprévisibles, comme des cuisiniers qui ne travaillent que quand les ingrédients (soleil, vent) sont disponibles.

3° Finalement, une cuisine robuste : Une grande cuisine avec des réserves et des équipements lourds (comme des turbines) donne de l’inertie, la capacité à absorber les imprévus, comme une soudaine affluence de clients. 

Les centrales nucléaires, à gaz, et hydroélectriques apportent cette inertie grâce à leurs turbines massives, qui stabilisent la fréquence.

Les renouvelables, fonctionnant avec des inverseurs électroniques, n’offrent presque pas d’inertie, rendant le réseau plus sensible aux perturbations.

Un point technique crucial : les centrales classiques (nucléaires, gaz) produisent un courant alternatif via des turbines, qui s’ajustent automatiquement aux variations de demande.

Les panneaux solaires, eux, produisent un courant continu, converti en alternée par des inverseurs. Ces inverseurs sont moins réactifs aux changements de demande, surtout quand le solaire domine, comme en Espagne le 28 avril, où 60 % de la production était photovoltaïque et 14 % éolienne.

Sans systèmes de stabilisation (comme des batteries ou des stabilisateurs dédiés), le réseau devient fragile.

En Espagne, le manque d’investissement dans ces technologies a amplifié la crise. 

Un rapport de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des régulateurs de l’énergie (ACER), publié après un incident similaire le 8 janvier 2021, avait déjà alerté sur ce problème. 

Ce jour-là, une perturbation dans les Balkans avait failli provoquer un blackout continental, en raison de l’inflexibilité des renouvelables. 

Depuis, l’UE a imposé des normes plus strictes pour les inverseurs, mais leur déploiement reste inégal.

Les Causes du Blackout : Centralisation et Fragilité Technique

Les données publiées par Red Eléctrica montrent une chute brutale de la production électrique à 12h33 le 28 avril.

En analysant le graphique du marché électrique peninsular :

La courbe rouge représente la demande programmée, c’est-à-dire l’électricité prévue pour répondre aux besoins des consommateurs.

La courbe jaune montre la capacité de production effectivement disponible.

À 12h33, la courbe jaune a plongé, indiquant une perte de 15 gigawatts en 5 secondes, soit 60 % de la demande nationale. 

Selon Pedro Sánchez, cette chute est à l’origine du blackout, mais les causes précises restent floues et plusieurs hypothèses ont été envisagées :

-Perturbation météo : Une chute soudaine de la production solaire (par exemple, un nuage épais) aurait pu déséquilibrer le réseau, dominé par le photovoltaïque.

-Incident technique : Comme en Italie en 2003, où un arbre tombé sur une ligne suisse avait provoqué un blackout, un problème sur une grande centrale ou une ligne d’importation pourrait être en cause.

-Erreur humaine : Une mauvaise coordination ou une panne dans une centrale clé.

-Sabotage : Bien que Red Eléctrica ait écarté une cyberattaque, des spéculations sur un sabotage par des acteurs étatiques circulent, mais sans preuves concrètes.

Une chose est sûre, un facteur aggravant est la centralisation du réseau électrique espagnol. Contrairement aux Baléares ou aux Canaries, qui ont des réseaux semi-indépendants, la péninsule ibérique fonctionne comme une seule grande grille. 

Quand une perturbation survient, elle peut se propager à l’ensemble du système, comme un domino. Le 28 avril, l’Espagne, le Portugal, Andorre, et le sud de la France ont été touchés, car leurs réseaux sont fortement interconnectés.

Pourquoi cette centralisation est-elle problématique ? 

Parce qu’un incident local – par exemple, une ligne défaillante à Gerona – peut affecter des régions éloignées, comme Palos de la Frontera ou Lisbonne.

En comparaison, la France bénéficie d’une certaine décentralisation : un problème à Marseille n’éteindra pas Paris, grâce à la segmentation du réseau gérée par RTE. Mais cette segmentation reste limitée, et une perturbation majeure, comme en Espagne, pourrait se propager via les interconnexions européennes.

Le blackout a aussi mis en lumière la fragilité des énergies renouvelables sans stabilisation adéquate. 

En Espagne, 78 % de la production provenait des renouvelables à midi : 60 % solaire, 14 % éolien, et 4 % autres sources renouvelables.

Ce mix, bien qu’écologique, manque d’inertie et de flexibilité. Les turbines des centrales nucléaires ou à gaz ajustent automatiquement la production, mais les inverseurs solaires réagissent mal aux variations soudaines, surtout quand ils dominent le réseau.

En France, le réseau est plus résilient grâce à son parc nucléaire, qui fournit 65 % de l’électricité en 2025, selon RTE. Les centrales nucléaires, avec leurs turbines massives, apportent une forte inertie, stabilisant le réseau même en cas de perturbations. 

Cependant, plusieurs tendances inquiétantes émergent :

-Réduction du nucléaire : Sous la pression des écologistes, comme Europe Écologie-Les Verts (EELV), la France a fermé Fessenheim en 2020 et prévoit de réduire la part du nucléaire à 50 % d’ici 2035. Cela diminue l’inertie du réseau.

-Montée des renouvelables : Les renouvelables (éolien, solaire) représentent 25 % du mix en 2025, mais leur imprévisibilité pose problème, surtout en hiver, quand la demande explose.

-Centralisation partielle : Bien que le réseau français soit segmenté, les interconnexions avec l’Espagne et l’Allemagne augmentent le risque de propagation d’un blackout.

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Les responsabilités politiques

Le blackout du 28 avril 2025 a déclenché une tempête politique, en Espagne comme en France, et mis en lumière les tensions autour des politiques énergétiques européennes. 

Qui est responsable de cette catastrophe ? Les gouvernements, les opérateurs de réseau, ou les cadres réglementaires de l’Union européenne ? 

En Espagne, le blackout a provoqué une crise politique majeure. Le président du gouvernement, Pedro Sánchez, a tenté de détourner l’attention en qualifiant Red Eléctrica, l’opérateur du réseau, d’"opérateur privé" lors de deux conférences de presse les 28 et 29 avril. 

Il a déclaré : VIDÉO

Mais cette affirmation est contestée. 

Non seulement parce que Red Eléctrica est contrôlée par l’État via la SEPI acronyme de Sociedad Estatal de Participaciones Industriales ou Société Étatique de Participations Industrielles en français, qui détient 20 % des actions et nomme la présidente, Beatriz Corredor, une ancienne ministre socialiste proche de Sánchez. 

La loi espagnole limite les parts privées à 5 % par investisseur, garantissant un contrôle public. 

En qualifiant Red Eléctrica de privée, Sánchez semble vouloir rejeter la faute sur le secteur privé, évitant de reconnaître que sa politique énergétique – qui a favorisé les renouvelables sans investissements suffisants dans la stabilisation – a fragilisé le réseau.

Cette stratégie s’est intensifiée avec les déclarations de Beatriz Corredor, présidente de Red Eléctrica depuis 2020, nommée par Sánchez. 

Deux jours après le blackout, elle a accordé une interview où elle a défendu l’opérateur et nié toute responsabilité liée aux énergies renouvelables. 

Voici ce qu’elle a affirmé : VIDÉO

Pourtant, cette position contredit directement un rapport publié en février 2025 par Red Eléctrica, qui, parmi les 5 risques majeurs à court et moyen terme :

Déconnexions dues aux renouvelables : 

“La forte pénétration de la production d’énergie renouvelable sans les capacités techniques nécessaires peut générer des déconnexions de génération, qui peuvent devenir graves au point de produire un déséquilibre entre production et demande. Cela affecterait significativement l’approvisionnement en électricité”.

Perte de capacité de générations : 

"La fermeture de centrales de production conventionnelle telles que celles au charbon, à cycle combiné ou nucléaires (en raison d’exigences réglementaires) implique une réduction de la puissance stable et des capacités d’équilibrage du système électrique, ainsi que de sa robustesse et de son inertie. Cela pourrait augmenter le risque d’incidents opérationnels pouvant affecter l’approvisionnement”.

Ces avertissements, publiés deux mois juste avant le blackout, montrent que Red Eléctrica était consciente des dangers. 

En France, le blackout espagnol a ravivé les débats sur la politique énergétique, marquée par des tensions entre les écologistes et les défenseurs du nucléaire. 

Les écologistes, portés par Europe Écologie-Les Verts (EELV), plaident pour une sortie accélérée du nucléaire, qu’ils jugent coûteux et risqué. 

Ils misent sur les renouvelables, qui représentent 23 % du mix énergétique en 2024, selon RTE, contre 10 % il y a dix ans. 

Mais le blackout espagnol soulève des questions : les renouvelables, sans stabilisation, peuvent-elles garantir la stabilité du réseau ?

Le gouvernement d’Emmanuel Macron adopte une position ambiguë. 

En 2022, Macron a relancé le nucléaire avec un projet de six nouveaux réacteurs EPR, mais leur mise en service est prévue pour 2035-2040, trop tard pour compenser la fermeture programmée de centrales comme Fessenheim (2020) ou la réduction de la part du nucléaire à 50 % d’ici 2035. 

En parallèle, des subventions massives pour les renouvelables, alignées sur les objectifs européens, ont accru la dépendance à des sources imprévisibles, comme en Espagne.

RTE a publié un rapport en 2024 alertant sur les risques d’instabilité si le nucléaire décline trop vite sans investissements dans les stabilisateurs (batteries, réseaux intelligents). Pourtant, les écologistes minimisent ces risques, arguant que des solutions comme le stockage d’énergie suffiront. 

Mais en 2025, les batteries à grande échelle restent coûteuses et limitées, incapables de répondre aux pics de consommation hivernaux, quand la demande française peut atteindre 100 gigawatts.

Au niveau européen, le Pacte vert et le paquet Fit for 55 fixent des objectifs ambitieux : 55 % de réduction des émissions de CO2 d’ici 2030 et jusqu’à 45 % d’énergies renouvelables.

Ces directives ont poussé l’Espagne à fermer des centrales conventionnelles et la France à accélérer les renouvelables.

Un rapport de l’ACER (Agence européenne des régulateurs de l’énergie) sur un incident en janvier 2021, où un blackout a failli paralyser l’Europe, avait déjà pointé l’inflexibilité des renouvelables. 

Depuis, l’UE impose des normes plus strictes pour les inverseurs, mais leur déploiement est lent, notamment en Espagne. 

En France, les interconnexions avec l’Espagne et l’Allemagne, bien que renforcées en 2025, restent insuffisantes pour absorber un choc majeur, comme celui du 28 avril.

Un point commun entre l’Espagne et la France émerge : la centralisation excessive des décisions énergétiques. En Espagne, le réseau est géré comme une grille unique, où un incident à Gerona peut affecter Lisbonne. 

En France, bien que le réseau soit plus segmenté, les choix énergétiques sont décidés à Paris, souvent sans tenir compte des besoins locaux. Cette centralisation, combinée à une politisation des opérateurs (comme Red Eléctrica en Espagne ou, dans une moindre mesure, RTE en France), limite la transparence et la réactivité face aux crises.

En Espagne, les accusations contre Corredor et Sánchez soulignent un manque de responsabilité. En France, les écologistes et le gouvernement doivent clarifier leur stratégie : privilégier les renouvelables sans compromettre la stabilité, ou maintenir le nucléaire comme pilier ?

Le blackout du 28 avril 2025 n’est pas une simple panne d’électricité. C’est la conséquence directe d’un système centralisé, gouverné par une technocratie qui sacrifie la rationalité énergétique sur l’autel du dogme.

Depuis des années, des décisions absurdes sont prises au nom de l’écologie, mais au détriment de la stabilité et du bon sens. 

On ferme des centrales nucléaires sûres, décarbonées, parfaitement fonctionnelles — comme Fessenheim en France — pour les remplacer par des énergies dites “vertes”, mais imprévisibles, instables, et totalement dépendantes des conditions météo. 

Ce n’est plus de la transition, c’est de l’escrologie : une écologie de façade, guidée par l’idéologie plutôt que par la science. 

Une écologie qui prétend sauver la planète mais met en danger des millions de foyers, d’entreprises, d’hôpitaux, au nom d’objectifs irréalistes dictés depuis Bruxelles. 

Le blackout espagnol est un avertissement. 

Quand l’État concentre le pouvoir de décision, verrouille l’innovation et impose ses choix politiques à des réseaux vitaux, il crée les conditions d’un effondrement. 

Et quand l’idéologie écologiste s’empare de ces leviers, le résultat est une double peine : perte de fiabilité énergétique et explosion des coûts pour les citoyens. 

La seule voie viable est celle de la liberté : une production décentralisée, concurrentielle, ouverte à toutes les technologies, sans ostracisme idéologique. 

Le nucléaire, les renouvelables, le stockage, les micro-réseaux, tout cela doit être jugé non par des ministres, mais par le marché, la performance, et la capacité à répondre aux besoins réels. 

L’avenir ne se construira pas avec des slogans ni avec des interdits, mais avec des solutions concrètes et la liberté d’innover. 

Et si la France veut éviter de plonger à son tour dans le noir, elle ferait bien d’éteindre les dogmes… avant que ce ne soient les lumières.

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